Qui en profitera?
Novo Nordisk et Eli Lilly ont une longueur d’avance dans le développement des médicamentsGLP-1, et le cours de leur titre reflète l’optimisme du marché à l’égard de ces médicaments. Leur succès repose sur l’ampleur du marché potentiel que représente le traitement du diabète, et plus particulièrement de l’obésité, marché qui justifie les prévisions optimistes des investisseurs, même si elles sont ambitieuses et couvrent un large éventail de résultats éventuels.
En théorie, si les utilisateurs de médicamentsGLP-1 perdent du poids et vivent plus longtemps et en bonne santé, un certain nombre de secteurs pourraient en bénéficier à long terme. Les immeubles et services destinés aux retraités constitueront un segment à la demande dynamique si le monde vit et a besoin de soins pendant plus longtemps qu’il ne l’aurait fait autrement. Les entreprises du secteur des aliments et des boissons qui proposent des produits à faible teneur en gras et riches en protéines pourraient également en bénéficier. Certains investisseurs ont émis l’hypothèse que les compagnies aériennes pourraient en tirer profit, car un allègement du poids des passagers permettrait en moyenne de réduire la consommation de carburant. La liste est longue et variée et l’impact plus vaste des médicaments évoluera selon leur adoption et leur efficacité.
Quelles sont les limites d’une adoption généralisée?
En l’absence d’assurance, les coûts récurrents élevés de 1 000 $ à 1 300 $ par mois et les effets secondaires indésirables comptent parmi les obstacles à l’élargissement du bassin d’utilisateurs. L’adoption généralisée dépendra de la volonté des assureurs de couvrir les coûts et de celle des médecins de prescrire ces médicaments pour la perte de poids. Les contraintes administratives pour les médecins sont élevées et les assureurs ont établi diverses exigences, comme un IMC élevé allié à une comorbidité, ou n’accordent une couverture qu’après trois mois de prise en charge par l’assuré lui-même. Cependant, les assureurs évaluent les frais médicaux futurs d’une personne qui ne se fait pas traiter pour l’obésité (maladies cardiaques et artérielles, apnée du sommeil, hypertension, etc.) par rapport au coût du traitement avec des médicamentsGLP-1 aujourd’hui.
Outre la charge financière, on a signalé des effets secondaires indésirables liés à la prise de médicamentsGLP-1. Une étude publiée l’an dernier a porté sur 4 255 personnes couvertes par un régime commercial d’assurance maladie qui avaient reçu une nouvelle ordonnance pour des agonistes duGLP-1 entre janvier et décembre 2021 par suite d’un diagnostic d’obésité ou de prédiabète. Parmi celles qui ont commencé à prendre des médicamentsGLP-1 au cours de l’étude, seulement 32 % ont continué à les prendre pendant une année entière. La baisse du nombre d’utilisateurs s’explique en partie par des effets gastro-intestinaux indésirables.
Par ailleurs, la nécessité de recevoir une injection hebdomadaire ou de s’abstenir de manger et de boire pendant les 30 minutes précédant et suivant la prise d’une pilule quotidienne a découragé les utilisateurs.
Y a-t-il d’autres préoccupations quant aux médicaments et à leurs répercussions sur la société?
- Les médicamentsGLP-1 améliorés et les dosages qui ont été approuvés pour la perte de poids sont des molécules relativement nouvelles – lancées au cours des cinq dernières années –, de sorte que l’on ne connaît pas tous leurs effets secondaires ni leur efficacité à long terme.
- Il se peut que des patients subissent une perte musculaire. Or, la masse musculaire est importante pour la santé en général et le maintien d’un taux de graisse faible.
- Les patients doivent respecter un régime posologique strict et potentiellement rester sous traitement toute leur vie pour en tirer tous les bénéfices.
- L’offre limitée est préoccupante, car elle crée des tensions entre les personnes qui ont besoin d’un traitement pour des raisons de santé critiques et celles qui cherchent à perdre du poids pour des raisons qui ne mettent pas leur vie en danger.
Qui pourrait rencontrer des obstacles?
- Technologies médicales: Les titres des entreprises du segment des appareils médicaux ont d’abord fait l’objet de ventes massives, les investisseurs craignant que les revenus soient touchés par le fait que les patients en bonne santé nécessiteraient moins de prothèses de hanche, d’endoprothèses coronaires, de glucomètres et d’autres appareils. En revanche, il y a des cas où les patients doivent perdre du poids avant qu’une intervention médicale puisse avoir lieu, et ces nouveaux médicaments pourraient leur permettre d’y arriver. Dans l’ensemble, le segment des appareils médicaux s’est redressé après ce délestage.
- Niveau de consommation d’aliments et de boissons: Ces médicaments visent les plus grands consommateurs d’aliments et de boissons et réduiraient leur niveau de consommation global de 2 % à 15 % de l’apport calorique. La consommation réduite d’aliments pourrait avoir une incidence surles ventes unitaires des entreprises du segment des collations et des boissons, des restaurants, des détaillants et du secteur du tourisme d’accueil.
- Combinaison d’aliments et de boissons: On peut également se demander comment les gens modifieront la combinaison d’aliments et de boissons qu’ils consomment lorsqu’ils prennent ces médicaments. Des données empiriques indiquent que les patients s’efforcent d’augmenter leur consommation de protéines tout en réduisant leur consommation de sucres ajoutés et de produits riches en matières grasses. Ils évitent également les aliments fortement transformés au profit d’aliments de base comme le poulet, le poisson et les légumes, ce qui nuirait aux entreprises du segment des collations, desfriandises, des boissons gazeuses et sucrées, ainsi qu’aux catégories de restauration rapide. Des études récentes indiquent également que les utilisateurs ont réduit leur consommation d’alcool et de tabac lorsqu’ils prennent ces médicaments.
Selon des études récentes, la cohorte des patients les plus susceptibles d’utiliser les médicamentsGLP-1 tend également à être la plus grande consommatrice des aliments et des boissons qui risquent le plus d’être touchés, ce qui pourrait amplifier l’effet sur ces entreprises.
Répercussions sur les placements
D’une certaine manière, les opérations sur les titres des fabricants de médicamentsGLP-1 ne sont pas sans rappeler l’euphorie des investisseurs à l’égard des gagnants et des perdants liés à la pandémie de COVID-19 en 2020 et en 2021. Au cours de cette période, le marché s’est emballé en projetant à l’infini les tendances du moment, ce qui a entraîné une mauvaise évaluation de certains titres. Alors que certains gagnants ont pu justifier leurs positions, de nombreux titres ont pâti de l’incertitude qui régnait pour ensuite se redresser lorsque la raison a repris le dessus. Contrairement à la pandémie de COVID-19, toutefois, les médicamentsGLP-1 auront probablement des répercussions à long terme qui évolueront à mesure que tout le monde s’adaptera.
La pénétration n’est jamais totale et l’éventail des résultats potentiels reste vaste et difficile à quantifier. Chaque entreprise sera probablement touchée différemment en raison de son exposition unique aux répercussions des médicamentsGLP-1. Nous avons évalué les entreprises des secteurs pharmaceutique, des aliments et des boissons et des appareils médicaux susceptibles d’être touchées par l’évolution des tendances de consommation, ainsi que leur capacité à s’adapter et à modifier leurs produits. Notre rôle est de prendre des risques si nous pensons qu’ils seront récompensés, et nous continuerons à le faire de manière réfléchie. Nous croyons fermement qu’une méthode rigoureuse d’évaluation des placements dans des entreprises dont les résultats nous inspirent une plus grande confiance et qui peuvent capitaliser leurs bénéfices tout au long d’un cycle économique peut mener à une stratégie gagnante à long terme, surtout en cette période d’incertitude. En fin de compte, les évaluations demeurent importantes, et l’exposition aux risques liés aux médicamentsGLP-1 ne nous empêche pas de trouver des occasions et d’investir dans certains secteurs.
Nous avons également l’œil sur la suite des événements, qui se compose de quatre volets: 1) l’augmentation de l’offre pour répondre à la demande, 2) l’évolution de la couverture et des primes des compagnies d’assurance, 3) d’autres indications quant aux situations dans lesquelles ces médicaments peuvent être administrés avec succès et 4) une version du médicament administré par voie orale présentant moins de limitations relativement à son utilisation. Une pilule administrée par voie orale qui peut être prise indépendamment de la consommation d’aliments et de boissons permettrait d’en faciliter la prise. Par ailleurs, les pilules sont beaucoup plus faciles à produire que les vaccins, ce qui permet d’accélérer la diffusion à grande échelle. En fin de compte, la longévité pourrait aider les entreprises des secteurs de la santé et de l’alimentation en élargissant leur bassin d’utilisateurs finaux.
Conclusion
Même si nous n’en sommes qu’aux premières étapes du cycle d’adoption des médicamentsGLP1, l’évolution de ces derniers et de leurs avantages a causé des turbulences dans certains secteurs. Ces changements se révèlent révolutionnaires pour certaines parties prenantes, mais évolutifs pour d’autres. La taille potentielle du marché des médicamentsGLP-1 est favorable aux fabricants en place. Toutefois, comme de nombreuses questions demeurent sans réponse, il n’est pas judicieux d’émettre des hypothèses extravagantes qui semblent alimenter une partie de la volatilité du marché et de l’incertitude quant à l’évolution de la situation dans d’autres secteurs. Ce contexte offre à la fois des risques et des occasions, et nous évaluons les répercussions qu’aura sur les bénéfices l’adoption généralisée de ces médicaments dans l’ensemble dessecteurs et des entreprises.
Les opinions exprimées dans le présent document sont celles du Groupe des solutions de placement de MFS au sein de l’unité de distribution de MFS et peuvent différer de celles des gestionnaires de portefeuille ainsi que des analystes de recherche de MFS. Ces opinions peuvent changer sans préavis et ne doivent pas être interprétées comme des conseils de placement, des recommandations de titres ou une indication d’intention de placement du conseiller au nom de MFS.