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Six thèmes clés en 2024

Six sujets qui, selon nous, pourraient avoir une incidence sur les marchés et l’économie au cours de la prochaine année.

By JONATHAN W. HUBBARD, CFA Directeur général, groupe des solutions de placement, BENOIT ANNE Directeur général, groupe des solutions de placement, and BRAD RUTAN, CFA Directeur général, groupe des solutions de placement.

 

  • RÉSUMÉ

    RÉSUMÉ

    À l’aube de 2024, plusieurs thèmes clés devraient avoir une incidence sur le contexte macroéconomique et sur les marchés financiers. L’an dernier, la croissance économique aux États-Unis a rebondi et l’inflation a diminué, tandis que l’Europe et plusieurs pays des marchés émergents ont eu du mal à renouer avec une croissance vigoureuse. La fermeté de la Réserve fédérale américaine a commencé à s’estomper vers la fin de l’année, la banque centrale envisageant un assouplissement de sa politique monétaire. En revanche, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et plusieurs autres banques centrales semblent moins susceptibles d’assouplir leur politique monétaire aussi tôt. Le rendement des marchés boursiers a surpris de nombreux investisseurs en 2023, puisqu’il a terminé l’année à un niveau bien plus élevé que prévu. Plusieurs épisodes ont toutefois provoqué d’importants remous. En mars, par exemple, une crise bancaire régionale aux États-Unis a incité la Fed à établir un programme de financement lui permettant de régler les problèmes de liquidité des banques. Cette réponse ciblée, et finalement efficace, a permis à la banque centrale de contenir le problème tout en maintenant ses taux à des niveaux élevés. Elle a ainsi pu résoudre la crise et poursuivre sa lutte contre l’inflation, lutte qui semble tourner en sa faveur. 

    Sur les marchés des capitaux, les actions mondiales, mesurées par l’indice MSCI Monde tous pays, ont progressé de plus de 20 %, tandis que les titres à revenu fixe de base, mesurés par l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate, ont terminé en territoire positif après avoir subi deux années de pertes. Une vague d’enthousiasme des investisseurs, alimentée en partie par la promesse de l’IA, a balayé les marchés boursiers en milieu d’année. Elle a été largement portée par les « Magnificent Seven », groupe formé par les sept géants américains de la technologie qui, au regard de leur potentiel de bénéfices et de la stabilité de leur bilan, semblent invincibles. Toutefois, l’histoire nous enseigne que ces sous-ensembles d’actions évoluent rarement au même rythme sur de longues périodes, et nous rappelle qu’il est important d’analyser chacune de ces sociétés en fonction de ses avantages particuliers. Ce le sera d’autant plus que le contexte de placement est voué à devenir plus changeant, potentiellement marqué par une plus grande instabilité géopolitique, un endettement souverain élevé, des emprunts plus coûteux et une mutation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Plus que jamais, nous croyons que le partage d’informations sur l’ensemble de notre plateforme mondiale de recherche sera essentiel à la répartition fructueuse du capital des investisseurs.


  • « Remondialisation » plutôt que démondialisation

    L’écosystème du commerce mondial connaît une évolution constante, alimentée par les relations bilatérales, la spécialisation dans certains secteurs et une myriade de facteurs économiques. Des événements décisifs au cours de l’histoire ont eu une incidence durable sur le commerce mondial, comme la création du système de Bretton Woods en 1944, la création de la Communauté économique européenne en 1957 et l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Plus récemment, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’adoption de l’ACEUM et les tarifs douaniers imposés par les États-Unis sur certaines importations chinoises ont déclenché d’importants changements dans les échanges commerciaux. La pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui ont rompu les chaînes d’approvisionnement, perturbé l’acheminement énergétique et bloqué les actifs des sociétés, ont accéléré ces changements. De plus, dans des secteurs clés comme celui de la fabrication de semi-conducteurs, la confiance des partenaires commerciaux s’érode, car les préoccupations à l’égard de la sécurité nationale l’emportent sur les efficiences économiques. 

    La convergence de ces événements aboutira-t-elle à un monde moins interdépendant, où les avantages comparatifs sont écartés au nom de l’indépendance et du protectionnisme? Nous ne le croyons pas. Les avantages du commerce mondial sont trop importants pour être ignorés. En revanche, nous observons une tendance à la remondialisation, où les partenaires commerciaux, la logistique d’approvisionnement et les alliances souveraines évoluent vers une nouvelle combinaison de relocalisation, d’automatisation, d’économie d’affinités et de redondances dans les chaînes d’approvisionnement. Aux États-Unis, les sociétés sont de plus en plus incitées à effectuer ces changements au moyen de mesures financières et politiques fédérales, au premier rang desquelles figurent l’Inflation Reduction Act et le CHIPS and Science Act. En Europe, les responsables politiques réfléchissent à la meilleure façon de soutenir et d’encourager les relations commerciales stratégiques afin de prévenir la fragmentation. Les véritables bénéficiaires de ces bouleversements pourraient être les économies des marchés émergents autrefois laissées dans l’ombre de la Chine. 

      MESURES À ENVISAGER

    • Des sociétés bien positionnées dans des pays comme l’Inde, la Thaïlande et le Vietnam pourraient tirer parti de la remondialisation. 
    • Les sociétés américaines à petite et moyenne capitalisation pourraient également profiter de la « réindustrialisation » des États-Unis.

     


  • Des risques géopolitiques de plus en plus difficiles à gérer

    La crise ukrainienne et les attaques du Hamas contre Israël créent un contexte géopolitique plus difficile. Selon un indice de risque géopolitique réputé, établi par deux économistes de la Fed (voir l’illustration ci-dessous), l’attaque du Hamas a déclenché la troisième plus forte flambée des risques géopolitiques depuis le 11 septembre 2001. Selon cet indice, les risques ont considérablement augmenté depuis le début de la crise ukrainienne, par rapport à la période de 2004 à 2021. Il semble peu probable que les risques géopolitiques refluent de sitôt. Pour commencer, les crises actuelles montrent peu de signes de résolution rapide et pourraient continuer de traîner en longueur, compte tenu en particulier des origines historiques des conflits et de l’absence de voies évidentes pour les résoudre. De plus, la détérioration continue des relations entre les États-Unis et la Chine pourrait induire de nouvelles tensions internationales. Enfin, selon l’Integrity Institute, 78 pays doivent tenir des élections en 2024, ce qui représente environ la moitié de la population mondiale. Dans un monde fortement polarisé, cela n’augure rien de bon pour la normalisation des risques politiques ou géopolitiques. Les prochaines élections présidentielles et législatives aux États-Unis pourraient être particulièrement controversées, au vu des tensions qui existent au sein du pays et à l’échelle mondiale.

    Les risques géopolitiques sont hautement imprévisibles et il est pratiquement impossible de s’y fier pour définir un positionnement. Premièrement, il est très difficile d’établir la probabilité du déclenchement d’une crise. Deuxièmement, la chronologie, l’ampleur et la durée d’une crise sont toujours incertaines, tout comme leurs ramifications possibles, qui sont dans bien des cas contre-intuitives. Il nous semble donc contre-productif, du point de vue de la gestion du risque, de positionner les portefeuilles dans le seul but de les protéger contre les risques géopolitiques, pour la simple raison que ces derniers peuvent être assimilés à des événements de type « cygne noir » : il est difficile d’anticiper l’imprévu, sauf avec le recul. Toutefois, certaines stratégies permettent aux investisseurs d’optimiser leur gestion du risque.

      MESURES À ENVISAGER

    • La diversification du portefeuille est essentielle, tant sur le plan des catégories d’actif que de l’exposition régionale.
    • Les titres à revenu fixe, en particulier les obligations d’État, peuvent contribuer à atténuer l’incidence des crises géopolitiques.
    • Le dollar américain, le franc suisse, le yen japonais et certains produits de base sont généralement des valeurs refuges et pourraient constituer des couvertures.

     


  • Des divergences au sommet

    C’est presque comme si les sept géants de la technologie se calaient sur le calendrier : l’indice Bloomberg Magnificent Seven a atteint son sommet à la fin de décembre 2021, son creux à la fin de décembre 2022 et a maintenant entièrement récupéré ces pertes, atteignant de nouveaux sommets à la fin de décembre 2023. Certes, cette hypothèse est peu probable, mais les rendements sont tout à fait légitimes, l’indice ayant progressé de plus de 100 % en 2023. Ce groupe d’actions présente des caractéristiques semblables : il s’agit dans tous les cas de grandes sociétés axées sur des plateformes, qui tirent parti de la technologie dans leurs activités; mais elles présentent également de grandes différences. Elles appartiennent à trois secteurs d’activités différents selon les normes mondiales de classification des placements : les communications, la consommation discrétionnaire et la technologie de l’information. 

    Les grands médias aiment bien les regrouper pour créer un récit facile à suivre, mais les considérer comme un collectif est une démarche à courte vue dont les investisseurs devraient se détacher. Nous pensons qu’il pourrait y avoir d’importantes divergences au sein du groupe au cours de la période à venir, et les investisseurs seraient avisés de se concentrer sur les avantages particuliers de chaque société, plutôt que de les examiner de façon monolithique. Plusieurs de ces sociétés ont été mises à l’épreuve au fil des décennies et affichent un bilan sain et de solides perspectives d’affaires, mais toutes ne sont pas dans ce cas. D’autres groupes d’actions ont déjà été surnommés par la presse, comme les Nifty Fifty dans les années 1960 et 1970, les géants des médias dans les années 2000 et les FANG à la fin des années 2010, mais ces surnoms sont devenus caducs lorsque les sociétés qui composaient ces groupes ont finalement emprunté des chemins divergents.

      MESURES À ENVISAGER

    • Reconnaître les particularités de la qualité des affaires, des valorisations et des perspectives futures de ces sept géants. 
    • Ne pas oublier que les périodes de très forte concentration du marché sont généralement suivies d’un retour aux normes historiques..

     


  • Des déficits financiers élevés qui se prolongent

    Nous avons un problème budgétaire. À plus de 6 % du PIB, il ne fait aucun doute que le déficit américain est anormalement important. De tels gouffres budgétaires ont déjà été observés, mais seulement en temps de guerre ou en réaction à une récession. La moyenne à long terme depuis 1969 pour le déficit des États-Unis dans les périodes sans récession s’établit à 3,5 % du PIB, ce qui est nettement inférieur au niveau actuel. Malheureusement, il est peu probable que les autorités américaines prêtent attention aux problèmes budgétaires à court terme, compte tenu de l’élection présidentielle à venir. Par conséquent, les déficits élevés devraient perdurer pour l’instant.

    Les déficits excessifs posent de nombreux défis. Premièrement, il est nécessaire de les financer, ce qui pousse le Trésor américain à émettre plus de titres de créance. Surtout, un déficit plus important que prévu réduit la marge de manœuvre, de sorte que les décideurs sont moins bien armés en cas de choc macroéconomique. Enfin, de fortes incitations budgétaires alors que la conjoncture reste bonne pourraient mettre l’économie en surchauffe. Un tel résultat pourrait limiter la capacité de la Fed à normaliser sa politique après son récent cycle de resserrement musclé. 

    Pour l’instant, le risque lié aux déficits budgétaires semble limité pour les marchés. Toutefois, les investisseurs sont de plus en plus préoccupés par la détérioration de la situation budgétaire des États-Unis, ce qui pourrait alimenter une correction à la hausse des taux du marché. En d’autres termes, après les mesures de la Fed qui ont entraîné une augmentation substantielle des taux depuis mars 2022, on craint que le Trésor américain ne prenne la relève comme principal risque de hausse des taux. 

    Même s’il est important de surveiller la dynamique budgétaire, nous ne croyons pas que la politique budgétaire représente un risque de marché important, du moins à court terme. Toutefois, l’absence de rigueur budgétaire pourrait représenter un risque important à moyen terme. La relation entre la politique budgétaire et le marché suit généralement un point de bascule : la politique budgétaire n’est pas un enjeu majeur du marché tant que nous n’atteignons pas un seuil critique. 

      MESURES À ENVISAGER

    • À court terme, nous ne pensons pas que les difficultés liées à la politique budgétaire pousseront les taux à la hausse en 2024. 
    • À moyen terme, si on ne s’y attaque pas, les investisseurs pourraient abonner des actifs américains de toutes sortes.

     


  • Obligations américaines à rendement élevé : un examen ciblé

    Comme le rappelle Rob Almeida, stratège en placements mondiaux chez MFS, la vision de la situation est une question de perspective. À cinq pâtés de maisons de distance, on voit un bâtiment en briques ; à cinq pas, on voit des briques. De loin, le marché obligataire spéculatif montre des signes évidents de tensions cycliques. La croissance des revenus et les mesures de flux de trésorerie se détériorent depuis 2021. La couverture des intérêts a atteint un sommet il y a plus d’un an et recule depuis. Aux États-Unis, les déclarations de faillite en vertu du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites sont en hausse, selon le Bureau administratif des tribunaux américains. Malgré cela, nous concluons que le bâtiment ne risque pas de s’effondrer. La qualité de crédit globale du marché des obligations à rendement élevé a considérablement progressé, grâce aux sociétés de qualité inférieure qui se sont financées par des prêts bancaires et sur les marchés privés. L’effet de levier, une mesure du ratio dette/bénéfice, se situe aux niveaux de 2019. Nous pensons que l’obsession du « mur de maturité » est exagérée, sachant que seulement 150 milliards de dollars arrivent à échéance en 2024 et 2025, et que les émissions en phase de ralentissement sont favorables.

    Mais plutôt que de se concentrer sur le bâtiment (le marché, dans notre métaphore), nous nous intéressons davantage aux briques, c’est-à-dire aux sociétés considérées individuellement. Il est donc important de se montrer particulièrement sélectif à l’égard des sociétés des secteurs en difficulté, comme l’immobilier commercial, les télécommunications filaires et le commerce de détail, qui sont dans une course contre la montre, car la hausse des taux d’intérêt capte une part croissante de leurs flux de trésorerie. Les sociétés zombies se multiplient et peuvent survivre plus longtemps que prévu, comme leurs homonymes dans les séries télévisées, tout en subissant le même sort. 

      MESURES À ENVISAGER

    • En ce début d’année 2024, de nombreuses autres sociétés sont solides sur le plan structurel et offrent des taux intéressants. 
    • Nous sommes optimistes à l’égard des titres de créance que nous détenons, mais nous demeurons vigilants à l’égard des risques potentiels liés à notre positionnement.

     


  • IA : être attentif aux questions posées

    Le terme « IA », qui désigne l’intelligence artificielle, évoque des possibilités illimitées et des répercussions néfastes, mais les investisseurs ne se posent peut-être pas les bonnes questions. En tant que spécialistes de la répartition à long terme du capital des investisseurs, nous pensons qu’il est essentiel de bien comprendre les répercussions immédiates et à long terme des nouvelles technologies comme l’IA. Que demandons-nous aux entreprises?

    Pour les sociétés technologiques à mégacapitalisation déjà en place, les questions portent principalement sur la protection de leurs avantages concurrentiels, certes importants, mais pas imprenables. L’IA générative, qui améliore les moteurs de recherche aujourd’hui, finira-t-elle par éradiquer la mise en commun des bénéfices liés aux résultats de recherche traditionnels? Le téléphone intelligent restera-t-il l’appareil de prédilection des consommateurs pour profiter des avantages de l’IA? Les données et la puissance de calcul seront-elles moins concentrées? 

    L’IA aura aussi des répercussions généralisées dans d’autres secteurs que la technologie. Quelles autres sociétés et secteurs seront touchés? Nous croyons que les applications industrielles de l’IA pourraient être vastes et variées. Les sociétés pharmaceutiques pourraient tirer parti de l’IA pour accélérer la découverte de médicaments et en réduire le coût. Les sociétés de services financiers pourraient en profiter pour exploiter une mine de données client. Les sociétés énergétiques pourraient l’utiliser pour réduire leurs coûts et accroître leur efficacité. 

    Les pondérations indicielles actuelles, parmi les plus concentrées de l’histoire, reflètent en grande partie l’optimisme des investisseurs à l’égard de l’IA et d’autres nouveautés technologiques. Toutefois, pour déterminer les gagnants à long terme et avoir la conviction de les conserver tout au long d’une période de bouleversement technologique, il faudra une recherche fondamentale approfondie, de la curiosité intellectuelle et de la rigueur.

      MESURES À ENVISAGER

    • Concernant l’avenir de l’IA, les investisseurs devraient poser des questions et débattre des réponses obtenues : les interrogations dans ce domaine restent plus nombreuses que les réponses. 
    • Pour déterminer les gagnants et les perdants de l’IA, il faudra une connaissance approfondie des paramètres fondamentaux des sociétés et des tendances du secteur.

     

     

     

    Source : Bloomberg Index Services Limited. BLOOMBERGMD est une marque de commerce et de service de Bloomberg Finance L.P. et de ses sociétés affiliées (collectivement « Bloomberg »). Bloomberg ou les concédants de licence de Bloomberg détiennent tous les droits patrimoniaux des indices Bloomberg. Bloomberg n’approuve ni n’endosse ce document, n’offre de garantie quant à l’exactitude ou l’exhaustivité des renseignements qu’il contient ou n’offre de garantie, expresse ou implicite, relativement aux résultats pouvant être obtenus par suite de leur utilisation et, dans toute la mesure où cela est permis par la loi, ne saurait être tenue responsable des préjudices ou dommages pouvant en découler.

    Source des données de l’indice : MSCI. MSCI ne donne aucune garantie ni ne fait aucune déclaration, explicite ou implicite, et ne peut être tenue responsable quant aux données présentées dans le présent document. Il est interdit de diffuser les données de MSCI ou de les utiliser comme base pour d’autres indices, valeurs mobilières ou produits financiers. MSCI n’a pas approuvé, revu ou produit le présent document.

    Les opinions exprimées dans le présent document sont celles du Groupe des solutions de placement de MFS au sein de l’unité de distribution de MFS et peuvent différer de celles des gestionnaires de portefeuille ainsi que des analystes de recherche de MFS. Ces opinions peuvent changer sans préavis et ne doivent pas être interprétées comme des conseils de placement, des recommandations de titres ou une indication d’intention de placement du conseiller au nom de MFS. Sauf indication contraire, les logos ainsi que les noms des produits et services sont des marques de commerce de MFSMD et de ses sociétés affiliées, qui peuvent être déposées dans certains pays.

RÉSUMÉ

À l’aube de 2024, plusieurs thèmes clés devraient avoir une incidence sur le contexte macroéconomique et sur les marchés financiers. L’an dernier, la croissance économique aux États-Unis a rebondi et l’inflation a diminué, tandis que l’Europe et plusieurs pays des marchés émergents ont eu du mal à renouer avec une croissance vigoureuse. La fermeté de la Réserve fédérale américaine a commencé à s’estomper vers la fin de l’année, la banque centrale envisageant un assouplissement de sa politique monétaire. En revanche, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et plusieurs autres banques centrales semblent moins susceptibles d’assouplir leur politique monétaire aussi tôt. Le rendement des marchés boursiers a surpris de nombreux investisseurs en 2023, puisqu’il a terminé l’année à un niveau bien plus élevé que prévu. Plusieurs épisodes ont toutefois provoqué d’importants remous. En mars, par exemple, une crise bancaire régionale aux États-Unis a incité la Fed à établir un programme de financement lui permettant de régler les problèmes de liquidité des banques. Cette réponse ciblée, et finalement efficace, a permis à la banque centrale de contenir le problème tout en maintenant ses taux à des niveaux élevés. Elle a ainsi pu résoudre la crise et poursuivre sa lutte contre l’inflation, lutte qui semble tourner en sa faveur. 

Sur les marchés des capitaux, les actions mondiales, mesurées par l’indice MSCI Monde tous pays, ont progressé de plus de 20 %, tandis que les titres à revenu fixe de base, mesurés par l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate, ont terminé en territoire positif après avoir subi deux années de pertes. Une vague d’enthousiasme des investisseurs, alimentée en partie par la promesse de l’IA, a balayé les marchés boursiers en milieu d’année. Elle a été largement portée par les « Magnificent Seven », groupe formé par les sept géants américains de la technologie qui, au regard de leur potentiel de bénéfices et de la stabilité de leur bilan, semblent invincibles. Toutefois, l’histoire nous enseigne que ces sous-ensembles d’actions évoluent rarement au même rythme sur de longues périodes, et nous rappelle qu’il est important d’analyser chacune de ces sociétés en fonction de ses avantages particuliers. Ce le sera d’autant plus que le contexte de placement est voué à devenir plus changeant, potentiellement marqué par une plus grande instabilité géopolitique, un endettement souverain élevé, des emprunts plus coûteux et une mutation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Plus que jamais, nous croyons que le partage d’informations sur l’ensemble de notre plateforme mondiale de recherche sera essentiel à la répartition fructueuse du capital des investisseurs.


« Remondialisation » plutôt que démondialisation

L’écosystème du commerce mondial connaît une évolution constante, alimentée par les relations bilatérales, la spécialisation dans certains secteurs et une myriade de facteurs économiques. Des événements décisifs au cours de l’histoire ont eu une incidence durable sur le commerce mondial, comme la création du système de Bretton Woods en 1944, la création de la Communauté économique européenne en 1957 et l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Plus récemment, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’adoption de l’ACEUM et les tarifs douaniers imposés par les États-Unis sur certaines importations chinoises ont déclenché d’importants changements dans les échanges commerciaux. La pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui ont rompu les chaînes d’approvisionnement, perturbé l’acheminement énergétique et bloqué les actifs des sociétés, ont accéléré ces changements. De plus, dans des secteurs clés comme celui de la fabrication de semi-conducteurs, la confiance des partenaires commerciaux s’érode, car les préoccupations à l’égard de la sécurité nationale l’emportent sur les efficiences économiques. 

La convergence de ces événements aboutira-t-elle à un monde moins interdépendant, où les avantages comparatifs sont écartés au nom de l’indépendance et du protectionnisme? Nous ne le croyons pas. Les avantages du commerce mondial sont trop importants pour être ignorés. En revanche, nous observons une tendance à la remondialisation, où les partenaires commerciaux, la logistique d’approvisionnement et les alliances souveraines évoluent vers une nouvelle combinaison de relocalisation, d’automatisation, d’économie d’affinités et de redondances dans les chaînes d’approvisionnement. Aux États-Unis, les sociétés sont de plus en plus incitées à effectuer ces changements au moyen de mesures financières et politiques fédérales, au premier rang desquelles figurent l’Inflation Reduction Act et le CHIPS and Science Act. En Europe, les responsables politiques réfléchissent à la meilleure façon de soutenir et d’encourager les relations commerciales stratégiques afin de prévenir la fragmentation. Les véritables bénéficiaires de ces bouleversements pourraient être les économies des marchés émergents autrefois laissées dans l’ombre de la Chine. 

    MESURES À ENVISAGER

  • Des sociétés bien positionnées dans des pays comme l’Inde, la Thaïlande et le Vietnam pourraient tirer parti de la remondialisation. 
  • Les sociétés américaines à petite et moyenne capitalisation pourraient également profiter de la « réindustrialisation » des États-Unis.

 


Des risques géopolitiques de plus en plus difficiles à gérer

La crise ukrainienne et les attaques du Hamas contre Israël créent un contexte géopolitique plus difficile. Selon un indice de risque géopolitique réputé, établi par deux économistes de la Fed (voir l’illustration ci-dessous), l’attaque du Hamas a déclenché la troisième plus forte flambée des risques géopolitiques depuis le 11 septembre 2001. Selon cet indice, les risques ont considérablement augmenté depuis le début de la crise ukrainienne, par rapport à la période de 2004 à 2021. Il semble peu probable que les risques géopolitiques refluent de sitôt. Pour commencer, les crises actuelles montrent peu de signes de résolution rapide et pourraient continuer de traîner en longueur, compte tenu en particulier des origines historiques des conflits et de l’absence de voies évidentes pour les résoudre. De plus, la détérioration continue des relations entre les États-Unis et la Chine pourrait induire de nouvelles tensions internationales. Enfin, selon l’Integrity Institute, 78 pays doivent tenir des élections en 2024, ce qui représente environ la moitié de la population mondiale. Dans un monde fortement polarisé, cela n’augure rien de bon pour la normalisation des risques politiques ou géopolitiques. Les prochaines élections présidentielles et législatives aux États-Unis pourraient être particulièrement controversées, au vu des tensions qui existent au sein du pays et à l’échelle mondiale.

Les risques géopolitiques sont hautement imprévisibles et il est pratiquement impossible de s’y fier pour définir un positionnement. Premièrement, il est très difficile d’établir la probabilité du déclenchement d’une crise. Deuxièmement, la chronologie, l’ampleur et la durée d’une crise sont toujours incertaines, tout comme leurs ramifications possibles, qui sont dans bien des cas contre-intuitives. Il nous semble donc contre-productif, du point de vue de la gestion du risque, de positionner les portefeuilles dans le seul but de les protéger contre les risques géopolitiques, pour la simple raison que ces derniers peuvent être assimilés à des événements de type « cygne noir » : il est difficile d’anticiper l’imprévu, sauf avec le recul. Toutefois, certaines stratégies permettent aux investisseurs d’optimiser leur gestion du risque.

    MESURES À ENVISAGER

  • La diversification du portefeuille est essentielle, tant sur le plan des catégories d’actif que de l’exposition régionale.
  • Les titres à revenu fixe, en particulier les obligations d’État, peuvent contribuer à atténuer l’incidence des crises géopolitiques.
  • Le dollar américain, le franc suisse, le yen japonais et certains produits de base sont généralement des valeurs refuges et pourraient constituer des couvertures.

 


Des divergences au sommet

C’est presque comme si les sept géants de la technologie se calaient sur le calendrier : l’indice Bloomberg Magnificent Seven a atteint son sommet à la fin de décembre 2021, son creux à la fin de décembre 2022 et a maintenant entièrement récupéré ces pertes, atteignant de nouveaux sommets à la fin de décembre 2023. Certes, cette hypothèse est peu probable, mais les rendements sont tout à fait légitimes, l’indice ayant progressé de plus de 100 % en 2023. Ce groupe d’actions présente des caractéristiques semblables : il s’agit dans tous les cas de grandes sociétés axées sur des plateformes, qui tirent parti de la technologie dans leurs activités; mais elles présentent également de grandes différences. Elles appartiennent à trois secteurs d’activités différents selon les normes mondiales de classification des placements : les communications, la consommation discrétionnaire et la technologie de l’information. 

Les grands médias aiment bien les regrouper pour créer un récit facile à suivre, mais les considérer comme un collectif est une démarche à courte vue dont les investisseurs devraient se détacher. Nous pensons qu’il pourrait y avoir d’importantes divergences au sein du groupe au cours de la période à venir, et les investisseurs seraient avisés de se concentrer sur les avantages particuliers de chaque société, plutôt que de les examiner de façon monolithique. Plusieurs de ces sociétés ont été mises à l’épreuve au fil des décennies et affichent un bilan sain et de solides perspectives d’affaires, mais toutes ne sont pas dans ce cas. D’autres groupes d’actions ont déjà été surnommés par la presse, comme les Nifty Fifty dans les années 1960 et 1970, les géants des médias dans les années 2000 et les FANG à la fin des années 2010, mais ces surnoms sont devenus caducs lorsque les sociétés qui composaient ces groupes ont finalement emprunté des chemins divergents.

    MESURES À ENVISAGER

  • Reconnaître les particularités de la qualité des affaires, des valorisations et des perspectives futures de ces sept géants. 
  • Ne pas oublier que les périodes de très forte concentration du marché sont généralement suivies d’un retour aux normes historiques..

 


Des déficits financiers élevés qui se prolongent

Nous avons un problème budgétaire. À plus de 6 % du PIB, il ne fait aucun doute que le déficit américain est anormalement important. De tels gouffres budgétaires ont déjà été observés, mais seulement en temps de guerre ou en réaction à une récession. La moyenne à long terme depuis 1969 pour le déficit des États-Unis dans les périodes sans récession s’établit à 3,5 % du PIB, ce qui est nettement inférieur au niveau actuel. Malheureusement, il est peu probable que les autorités américaines prêtent attention aux problèmes budgétaires à court terme, compte tenu de l’élection présidentielle à venir. Par conséquent, les déficits élevés devraient perdurer pour l’instant.

Les déficits excessifs posent de nombreux défis. Premièrement, il est nécessaire de les financer, ce qui pousse le Trésor américain à émettre plus de titres de créance. Surtout, un déficit plus important que prévu réduit la marge de manœuvre, de sorte que les décideurs sont moins bien armés en cas de choc macroéconomique. Enfin, de fortes incitations budgétaires alors que la conjoncture reste bonne pourraient mettre l’économie en surchauffe. Un tel résultat pourrait limiter la capacité de la Fed à normaliser sa politique après son récent cycle de resserrement musclé. 

Pour l’instant, le risque lié aux déficits budgétaires semble limité pour les marchés. Toutefois, les investisseurs sont de plus en plus préoccupés par la détérioration de la situation budgétaire des États-Unis, ce qui pourrait alimenter une correction à la hausse des taux du marché. En d’autres termes, après les mesures de la Fed qui ont entraîné une augmentation substantielle des taux depuis mars 2022, on craint que le Trésor américain ne prenne la relève comme principal risque de hausse des taux. 

Même s’il est important de surveiller la dynamique budgétaire, nous ne croyons pas que la politique budgétaire représente un risque de marché important, du moins à court terme. Toutefois, l’absence de rigueur budgétaire pourrait représenter un risque important à moyen terme. La relation entre la politique budgétaire et le marché suit généralement un point de bascule : la politique budgétaire n’est pas un enjeu majeur du marché tant que nous n’atteignons pas un seuil critique. 

    MESURES À ENVISAGER

  • À court terme, nous ne pensons pas que les difficultés liées à la politique budgétaire pousseront les taux à la hausse en 2024. 
  • À moyen terme, si on ne s’y attaque pas, les investisseurs pourraient abonner des actifs américains de toutes sortes.

 


Obligations américaines à rendement élevé : un examen ciblé

Comme le rappelle Rob Almeida, stratège en placements mondiaux chez MFS, la vision de la situation est une question de perspective. À cinq pâtés de maisons de distance, on voit un bâtiment en briques ; à cinq pas, on voit des briques. De loin, le marché obligataire spéculatif montre des signes évidents de tensions cycliques. La croissance des revenus et les mesures de flux de trésorerie se détériorent depuis 2021. La couverture des intérêts a atteint un sommet il y a plus d’un an et recule depuis. Aux États-Unis, les déclarations de faillite en vertu du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites sont en hausse, selon le Bureau administratif des tribunaux américains. Malgré cela, nous concluons que le bâtiment ne risque pas de s’effondrer. La qualité de crédit globale du marché des obligations à rendement élevé a considérablement progressé, grâce aux sociétés de qualité inférieure qui se sont financées par des prêts bancaires et sur les marchés privés. L’effet de levier, une mesure du ratio dette/bénéfice, se situe aux niveaux de 2019. Nous pensons que l’obsession du « mur de maturité » est exagérée, sachant que seulement 150 milliards de dollars arrivent à échéance en 2024 et 2025, et que les émissions en phase de ralentissement sont favorables.

Mais plutôt que de se concentrer sur le bâtiment (le marché, dans notre métaphore), nous nous intéressons davantage aux briques, c’est-à-dire aux sociétés considérées individuellement. Il est donc important de se montrer particulièrement sélectif à l’égard des sociétés des secteurs en difficulté, comme l’immobilier commercial, les télécommunications filaires et le commerce de détail, qui sont dans une course contre la montre, car la hausse des taux d’intérêt capte une part croissante de leurs flux de trésorerie. Les sociétés zombies se multiplient et peuvent survivre plus longtemps que prévu, comme leurs homonymes dans les séries télévisées, tout en subissant le même sort. 

    MESURES À ENVISAGER

  • En ce début d’année 2024, de nombreuses autres sociétés sont solides sur le plan structurel et offrent des taux intéressants. 
  • Nous sommes optimistes à l’égard des titres de créance que nous détenons, mais nous demeurons vigilants à l’égard des risques potentiels liés à notre positionnement.

 


IA : être attentif aux questions posées

Le terme « IA », qui désigne l’intelligence artificielle, évoque des possibilités illimitées et des répercussions néfastes, mais les investisseurs ne se posent peut-être pas les bonnes questions. En tant que spécialistes de la répartition à long terme du capital des investisseurs, nous pensons qu’il est essentiel de bien comprendre les répercussions immédiates et à long terme des nouvelles technologies comme l’IA. Que demandons-nous aux entreprises?

Pour les sociétés technologiques à mégacapitalisation déjà en place, les questions portent principalement sur la protection de leurs avantages concurrentiels, certes importants, mais pas imprenables. L’IA générative, qui améliore les moteurs de recherche aujourd’hui, finira-t-elle par éradiquer la mise en commun des bénéfices liés aux résultats de recherche traditionnels? Le téléphone intelligent restera-t-il l’appareil de prédilection des consommateurs pour profiter des avantages de l’IA? Les données et la puissance de calcul seront-elles moins concentrées? 

L’IA aura aussi des répercussions généralisées dans d’autres secteurs que la technologie. Quelles autres sociétés et secteurs seront touchés? Nous croyons que les applications industrielles de l’IA pourraient être vastes et variées. Les sociétés pharmaceutiques pourraient tirer parti de l’IA pour accélérer la découverte de médicaments et en réduire le coût. Les sociétés de services financiers pourraient en profiter pour exploiter une mine de données client. Les sociétés énergétiques pourraient l’utiliser pour réduire leurs coûts et accroître leur efficacité. 

Les pondérations indicielles actuelles, parmi les plus concentrées de l’histoire, reflètent en grande partie l’optimisme des investisseurs à l’égard de l’IA et d’autres nouveautés technologiques. Toutefois, pour déterminer les gagnants à long terme et avoir la conviction de les conserver tout au long d’une période de bouleversement technologique, il faudra une recherche fondamentale approfondie, de la curiosité intellectuelle et de la rigueur.

    MESURES À ENVISAGER

  • Concernant l’avenir de l’IA, les investisseurs devraient poser des questions et débattre des réponses obtenues : les interrogations dans ce domaine restent plus nombreuses que les réponses. 
  • Pour déterminer les gagnants et les perdants de l’IA, il faudra une connaissance approfondie des paramètres fondamentaux des sociétés et des tendances du secteur.

 

 

 

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